Qu’entend-on par fake news
Le concept de fake news compris comme « fausses informations » ou « fausses nouvelles » pour les canadiens, a récemment fait son apparition lors de la dernière présidentielle américaine. Donald Trump accusant ainsi certains faux médias de propager de fausses nouvelles dans le but de déstabiliser sa carrière et empêcher sa candidature aux élections présidentielles. Ce terme à pris des proportions énormes dans tous les pays, vu les dégâts causés par certains sites dont les objectifs ont été de transformer ou inventer des informations pour des buts pas toujours affichés.
Qui propage les fake news ?
Les besoins pécuniaires, des buts politiques, l’intention de déstabilisation d’un parti ou d’une entreprise peuvent être autant de motifs qui amènent des personnes à créer de toute pièce une information ou de la transformer. De ce fait, les fabricants de fausses informations utilisent des voies médiatiques pour avoir plus d’impact (le terme fake news étant principalement associé aux fausses nouvelles dans les médias). Certains utilisent la bannière des sites internet des médias traditionnels réputés crédibles, pour atteindre leurs cibles. Les technologies numériques sont ainsi mises à contribution pour donner une forte impression de vraie à une information ayant été falsifiée ou fabriquée.
La jeunesse camerounaise, une proie sans défense des « fake newers »
La montée en puissance du numérique et la liberté d’accès à l’information a contribué à placer les jeunes dans les filets des manipulateurs. En fait, les jeunes camerounais âgés de 15 à 25 ans n’utilisent qu’à très faible proportion, les médias traditionnels pour s’informer. Selon notre petite enquête, 1 jeune seulement sur 10 âgé de 15 à 25 ans regarde le journal télévisé sur la chaîne nationale ou les chaînes privées. Cependant, certains d’entre eux ont des informations sur le monde et le Cameroun. La question est de savoir comment s’informent-ils ?
Le constat est qu’ils utilisent pour la plupart des informations relayées dans les réseaux sociaux pour avoir une connaissance de l’actualité et se faire une opinion sur les mouvements et l’actualité dans leurs divers environnements. En effet, les réseaux sociaux tels que Watsapp ou Facebook, qui sont les plus utilisés par les jeunes camerounais, sont les principaux moyens de diffusion d’informations qui dans plusieurs cas ne proviennent pas de sources crédibles et reconnues. Cela laisse libre accès à la fabrication de l’information à travers par exemple des montages d’images et de vidéos, du trucage de voix ou des enregistrements antidatés.
A la question de savoir combien de jeunes contrôlent l’information avant de la commenter ou de la partager, nous avons mené un petit sondage dans la ville de Yaoundé. Celle-ci portait sur leurs comportements face aux publications sur Facebook notamment les faits divers, les informations politiques, l’actualité. Nos résultats indiquent que sur 100 jeunes qui sont face à une publication (image, vidéo ou article) sans source vérifiable sur Facebook, seulement 3% vérifient la source de l’information avant de la liker, pendant que 97% aime la publication sans la vérifier. Pour ce qui est du commentaire de la publication, 89% commentent la publication sans en vérifier la source. Quand il s’agit de la partager, seulement 11% affirment vérifier l’information avant de la partager.
Pour exemple, l’ONG MIDA qui a été reconnue coupable d’arnaque a préalablement vu sa page internet attirer de dizaine de milliers de personnes. C’est aussi le cas des faits divers comme celui de la prétendue revenante de la ville de Banga qui a été relayé et commenté par plusieurs internautes qui ont validé pour la plupart la thèse erronée de son retour parmi les morts.
Il est donc certain que la jeunesse camerounaise, lorsqu’elle se retrouve face à des personnes de mauvaise foi, ou ayant des ambitions mal intentionnées, ne saura avoir les attitudes nécessaires pour ne pas tomber dans leurs pièges.
Que font les autorités pendant ce temps ?
Si, à cause de l’impact négatif de la désinformation certains pays tels la France, la Belgique ou le Canada ont pris des mesures fortes pour lutter contre ces phénomènes, il est décevant de constater que les autorités politiques et éducatives camerounaises font plutôt passivement, le constat de la situation. Des lois sur les fake news et surtout, l’introduction des programmes d’éducation aux médias sont actuellement les priorités des pays qui cherchent à développer l’esprit critique des jeunes dans le but de faire émerger des sociétés libres et démocratiques.
Il faut noter cependant que c’est la presse nationale privée et publique, à cause de l’ampleur pris par le numérique et la légitimation de certains amateurs d’information sur le net, qui s’est arrimée à la modernité des réseaux sociaux pour avoir plus d’audience. Même si leurs plateformes ne sont pas prioritaires pour plusieurs jeunes, le relayage de leurs informations sur ces réseaux sociaux parvient tant bien que mal aux yeux de ces jeunes, contribuant indirectement à rétablir les vérités des faits.
La répression en lieu et place de la pédagogie ?
« Cher abonné, l’émission et la propagation de fausses nouvelles, notamment par les réseaux sociaux, sont réprimés par le code pénal et la loi». Ce message de la Ministre en charge des Postes et Télécommunication a été envoyé via les messageries des réseaux téléphoniques et relayé dans les réseaux sociaux, rappelant aux uns et aux autres les sanctions encourues en cas d’émission ou de propagation des fake news. Ces sanctions sont présentes dans la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et la cybercriminalité au Cameroun. Cette loi dispose en son article 78 : «Est puni d'un emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d'une amende de 5.000.000 (cinq millions) à 10.000.000 (dix millions) fcfa ou de l'une de ces deux peines seulement, celui qui publie ou propage par voie de communications électroniques ou d'un système d'information, une nouvelle sans pouvoir en rapporter la preuve de véracité ou justifier qu'il avait de bonnes raisons de croire à la vérité de ladite nouvelle ».
Bien que ce rappel à l’ordre vienne attirer l’attention de certains internautes, il met en évidence les graves défaillances du système de sécurité dans le numérique qui ont causé et continu de causer bien de dommages aux jeunes camerounais. La mise en avant de la répression ne saurait avoir un impact positif sur des jeunes qui ont du mal à distinguer l’information qui est vraie de celle qui ne l’est pas, et qui ne sont pas outillés de compétences théoriques et pratiques pour une analyse critique et une production saine de l’information.
L’éducation aux médias serait donc un préalable pour amorcer une véritable révolution des pratiques numériques. Son intégration dans les programmes scolaires une nécessité si l’on veut avoir des jeunes armés, éveillés et conscients de leur rôle dans le monde démocratique.
Andzongo Blaise (Psychologue)
Durrell NGOUANET 6 ans
Merci pour cet article, il est très édifiant!!